GERARD DE CORTANZE

À la différence de Louis XIV, Louis XVI n’a jamais voyagé jusqu’aux rives de son royaume. Aussi, lorsqu’il décide de traverser la Normandie pour se rendre à Cherbourg, l’événement ne peut que surprendre ses conseillers, qui tentent vainement de l’en dissuader. Qu’irait-il faire sur ces terres de sorcellerie, largement ouvertes au protestantisme, sur lesquelles plane encore le souvenir des invasions Vikings ? Que compte-t-il rapporter de ce périple en terre ennemie où le peuple ne parle même pas français et semble être tenu à l’écart de toute civilisation ? Louis XVI, roi lettré qui pratique couramment plusieurs langues, qui sait tout des navires, des monstres marins, qui est capable de déchiffrer des portulans, de rédiger des traités maritimes, de dresser la carte du voyage autour du monde de La Pérouse, n’a jamais embarqué sur un bateau ni vu la mer. Confronté à ces eaux déchaînées, il se sent habité par une force nouvelle. Celle de cette mer qu’il découvre enfin, et de ce peuple – paysans, ouvriers, marins, jusqu’à de mystérieuses femmes, sorcières, cartomanciennes, diseuses de bonne aventure –, dont la sérénité n’est qu’apparente et qui peut à tous moments laisser éclater sa fureur.